22 Oct Quid des différentes législations Monument Historique dans le monde ?
Les prémices de la protection
C’est en 1818 que le grand-duc Ludwig I de Hesse-Darmstadt institue le premier inventaire sur tout le territoire de la future Allemagne. En 1902 cet inventaire donnera lieu à une protection des biens répertoriés. Une telle protection intervenant en Hongrie dès 1881, en Finlande en 1883 et en Italie en 1902.
En revanche, si en Angleterre à partir de 1882 l’Ancien Monument Protection Act interdit aux propriétaires la destruction de leurs biens, ce n’est qu’en 1944 qu’interviennent outre-Manche les premières initiatives législatives d’envergure en matière de protection du patrimoine culturel. Et en 1966 aux Etats-Unis, alors qu’existaient déjà les Parcs Nationaux, protégés.
A l’étranger, quel patrimoine, pour quelle protection ?
Rappelons qu’en France il existe quelque 14 000 bâtiments classés, 30 000 inscrits, et 300 000 objets mobiliers faisant l’objet d’une protection.
En Angleterre, l’Ancien Monument and Archeological Areas Act (1979) concerne 20 000 monuments. En sont exclus les maisons habitées et les édifices religieux. Mais il existe aussi 400 000 « Bâtiments Listés » (Listed Buildings). Avec un contrôle obligatoire des travaux.
En Allemagne, la politique de protection relève des Länder fédéraux, et ce sont 1,3 million de bâtiments qui sont protégés, avec un souci de conservation non seulement des biens remarquables, mais de tous ceux témoins de l’identité et de la culture.
Comme en Angleterre, tout document d’urbanisme doit mentionner et prendre en compte ce patrimoine. Ce qui n’est pas le cas en France.
A l’inverse, en Wallonie, depuis 1992 la tendance est à la hiérarchisation du classement, afin de concentrer les efforts sur les monuments et sites présentant un intérêt majeur. Pour autant, un travail d’entretien permanent est effectué par les services de l’Etat, avec une prévention beaucoup plus marquée que chez nous.
En Italie, le patrimoine bâti et le patrimoine naturel sont indissociables, contrairement à la situation française, où le patrimoine rural est peu protégé, avec notamment un ministère de l’Ecologie souvent en opposition avec celui de la Culture.
Pour l’Europe, notons enfin qu’en 2005 fut adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe la Convention de Faro, présentant le patrimoine culturel comme une ressource servant aussi bien au développement humain, à la valorisation des diversités culturelles et à la promotion du dialogue interculturel qu’à un modèle de développement économique suivant les principes d’usage durable des ressources. Convention non ratifiée par la France à ce jour.
En dehors de l’Europe, le plus souvent la loi couvre à la fois le patrimoine matériel et le patrimoine immatériel, dans l’esprit des conventions UNESCO. Ainsi, au Japon, le détenteur d’un savoir-faire traditionnel remarquable est considéré comme « Trésor national vivant », et des dispositions sont prises pour promouvoir ses compétences.
Le régime fiscal des Monuments Historiques dans le monde et les aides financières
En règle générale, comme en France, si le bien produit un revenu, les dépenses d’entretien et autres peuvent être déduites du revenu.
En Italie, le mécénat est largement encouragé depuis 2000.
Aux Etats-Unis, le propriétaire porteur d’un projet de développement immobilier peut vendre le droit de construire attaché à son terrain sur lequel se situe un Monument Historique, pour transférer ce droit.
En Angleterre les subventions constituent la principale source de financement pour la protection du patrimoine, via English Heritage, avec également une place prépondérante occupée par le monde associatif, dont le National Trust est la figure de proue.
En France, sur un budget global de 7 milliards pour le ministère de la Culture, les crédits consacrés aux Monuments Historiques seront stabilisés en 2015, à 312 M€. Sachant que les crédits affectés au patrimoine privé représentent environ 5% de cette enveloppe, et sont en baisse de 60% depuis 2000. Alors que la moitié des bâtiments classés ou inscrits appartient à des propriétaires privés.
En France, une future Loi sur le Patrimoine ?
A l’occasion du centenaire de la Loi sur les Monuments Historiques, Aurélie Filipetti avait annoncé pour 2014 la mise en place d’une nouvelle Loi sur le Patrimoine. Avant même qu’elle ne quitte la rue de Valois, on savait que, faute de place sur l’agenda parlementaire, il n’en serait rien en 2014. Son successeur, Fleur Pellerin, vient tout juste d’indiquer qu’elle présentera au premier semestre 2015 un projet de loi relative « à la liberté de création, l’architecture et le patrimoine ».
L’ambition de cette loi n’est en rien fiscale.
Concernant le patrimoine, elle vise à harmoniser les différentes contraintes et prérogatives qui entourent notre patrimoine au sens large, paysages, bien meubles et immeubles. Ce patrimoine relevant du Code de l’Urbanisme, des Affaires Culturelles, de l’Ecologie, etc. Avec des acteurs aux intérêts souvent divergents.
Objectif louable en soi. Pour autant des verrous de protection pourraient sauter. Ainsi, les fameux 500 m de protection autour d’un monument protégé ne seraient plus systématiques. Et la nouvelle ministre parle de « mettre en oeuvre certaines recommandations du rapport Bloche sur la création architecturale ». Lequel affirme que « les règles relatives à l’urbanisme et à la protection du patrimoine semblent limiter la diversité des formes urbaines » et propose de « simplifier les règles d’urbanisme pour permettre à la création architecturale de s’exprimer ». Suscitant une inquiétude des associations de défense du patrimoine.
Affaire à suivre… Nous aurons l’occasion d’y revenir.
Hugues de Tappie
Directeur de la rédaction
Principales sources :
Rapport du Sénat sur les Monuments Historiques en Europe 09 2014
Colloque VMF 2013 « Un siècle de protection des Monuments Historiques, pour quel avenir ? »
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