23 Juil Architecte en Chef des Monuments Historiques : mythes et réalités
La confusion est souvent grande entre l’ACMH et l’ABF, d’autant qu’une réforme intervenue entre 2007 et 2009 concernant les attributions des uns et des autres a vu évoluer leurs responsabilités respectives, tout comme celle des maîtres d’ouvrages, à savoir les propriétaires.
Qu’en est-il réellement ? Et comment ces restaurations sont-elles encadrées, gage d’un travail de qualité ?
Pour le savoir, nous avons interrogé Monsieur Daniel Lefèvre, ACMH. Celui-ci est notamment en charge de la restauration du Panthéon, un des plus gros chantiers en France sur un Monument Historique, avec des travaux prévus sur 10 ans. Il a également assuré la maîtrise d’œuvre (en qualité d’architecte) de diverses opérations commercialisées par le Cabinet Jedefiscalise.com, et intervient actuellement à ce titre sur deux de nos programmes de restauration de Monuments Historiques en cours de commercialisation.
Hugues de Tappie (Jedefiscalise.com) : Monsieur Lefèvre, pouvez-vous déjà nous éclairer sur la distinction entre ACMH et ABF ?
Daniel Lefèvre (ACMH) : Tous les deux sont fonctionnaires, mais, contrairement à l’ACMH qui a un fonctionnement libéral, l’ABF est un fonctionnaire dans un service de l’Etat, le STAP (Service Territorial de l’Architecture et du Patrimoine).
L’ABF intervient comme guichet unique pour la gestion des monuments protégés de son département, à savoir les Autorisations de Travaux et Permis de Construire, et leur suivi avec les DRAC (Directions Régionales des Affaires Culturelles). Il donne aussi des avis sur les abords des bâtiments et sites protégés (secteurs sauvegardés, etc.). Il n’est plus maître d’œuvre, à l’exception des travaux de réparations courantes des monuments appartenant à l’état.
L’ACMH est un fonctionnaire d’exercice libéral. Il est responsable de la surveillance des Monuments Historiques dans un secteur défini, et donne donc des avis aux DRAC. A ce titre il est rémunéré par vacation. Sur le secteur en question, il est le maître d’œuvre des Monuments Historiques classés appartenant à l’Etat. En dehors de cette responsabilité, il fonctionne en architecte libéral, sur tous types d’édifices.
C’est donc lui qui va réaliser les projets et préparer les demandes d’Autorisation de Travaux pour les édifices classés, ou un Permis de Construire pour ceux inscrits.
HT : Comment devient-on ACMH ?
DL : Il faut être architecte, puis passer un concours de la fonction publique. La plupart ont fait l’Ecole de Chaillot, et ont un DSA Architecture et Patrimoine, mais ce n’est pas une obligation.
HT : Etes-vous soumis à un numerus clausus, attaché à une zone géographique ?
DL : Il n’y a pas de numerus clausus. Traditionnellement nous étions une cinquantaine d’ACMH, toutefois en ce moment nous sommes moins de quarante. Mais un nouveau concours a lieu en ce moment. Ces concours n’ont lieu que tous les cinq ou dix ans. Pour l’aspect géographique, à titre d’exemple, moi-même je suis titulaire du département du Calvados, du Domaine de Meudon, du Panthéon, du VIème arrondissement de Paris, de la Réunion et de Mayotte. Certains peuvent être affectés uniquement à quelques monuments, d’autres à cinq ou six départements ruraux, etc.
HT : Un propriétaire privé peut-il faire appel à l’ACMH de son choix ?
DL : Oui, depuis 2009, c’est tout à fait possible. Il peut aussi faire appel, même sur un bâtiment classé, à un Architecte du Patrimoine (DSA) ayant 10 ans d’expérience, après acceptation par les DRAC. Une collectivité locale peut faire de même, sur la base d’un appel d’offres dans le cadre de la réglementation sur les marchés publics.
HT : Intervenez-vous sur les immeubles en loi Malraux ?
DL : Bien sûr, certains de ces édifices ayant une très grande valeur patrimoniale. Si le bâtiment n’est ni classé ni inscrit, le maître d’ouvrage fait appel à l’architecte de son choix, mais il aura toujours intérêt à recourir à un architecte qualifié.
HT : Les immeubles étant rarement classés ou inscrits en totalité, travaillez-vous (vous et votre cabinet) en tant que seul architecte sur un Monument Historique, ou éventuellement en partenariat avec un cabinet d’architecture usuel, qui interviendrait sur les parties non protégées ?
DL : Oui, absolument, de façon à associer des compétences complémentaires, par exemple pour des aménagements techniques spécifiques, des parties neuves indépendantes ou pour assurer un suivi rapproché du chantier.
HT : On entend dire que l’ACMH (ou l’ABF) est déconnecté des réalités économiques et pratiques, imposant par exemple de refaire des huisseries à l’identique, quel qu’en soit le coût, refusant du double vitrage, etc. Pouvez-vous nous dire ce qu’il en est réellement ?
DL : Prenons l’exemple du double vitrage souvent cité. Si des fenêtres ont été altérées, ce qui arrive souvent, les fenêtres étant des éléments relativement fragiles, il n’y a pas de souci pour les remplacer, le plus souvent à l’identique, en les adaptant pour tenir compte des contraintes du développement durable. En revanche, sur l’opération du château d’Abondant par exemple, certaines fenêtres sont d’origine, du XVIIème. Ce sont des éléments archéologiques fondamentaux pour l’histoire de l’architecture.
Dès lors qu’elles peuvent être sauvées, il est hors de question de les remplacer, et dans ce cas précis il se trouve que la feuillure ne permet pas un double vitrage. Si nécessaire on prévoit alors une double fenêtre. Sur ce type de sauvegarde, il y a concertation entre l’ABF, la DRAC et l’ACMH pour aboutir au meilleur équilibre entre conservation d’éléments historiques et nécessité de tendre vers le maximum d’économie d’énergie.
Nous sommes donc constamment confrontés aux réalités économiques des maîtres d’ouvrages. Il faut toutefois signaler que restaurer un Monument Historique est d’emblée participer au développement durable, en effet pérenniser un bâtiment qui a déjà traversé les siècles est gage d’économies importantes sur le long terme.
HT : Avez-vous d’autres champs d’intervention en tant qu’ACMH (classement des biens, implantation des éoliennes, etc.) ?
DL : Oui, nous participons aux commissions régionales ou nationales, pouvons émettre des avis sur la conservation des monuments, dans le cadre de notre mission régalienne de fonctionnaire. Pour les implantations des éoliennes et tout ce qui touche les abords des monuments et dans les sites protégés, c’est l’ABF qui émet des avis.
HT : Merci infiniment, Monsieur Lefèvre, d’avoir bien voulu répondre à nos questions.
No Comments