17 Mai Lettre ouverte aux Français et à leurs Élus sur le Patrimoine (ouvrage collectif)
A l’occasion des élections, les onze associations les plus importantes qui se consacrent à la sauvegarde du patrimoine français ont oeuvré à la réalisation d’un ouvrage commun, qui présente 22 propositions concrètes sur les actions à mener pour préserver la richesse patrimoniale de notre pays :
« Lettre ouverte aux Français et à leurs Élus sur le Patrimoine ».
Ces propositions ont pour ambition d’ouvrir un débat citoyen national et défendent :
- Une définition renouvelée et élargie du patrimoine,
- Sa gouvernance améliorée,
- Sa transmission,
- Son impact sur la vie économique et sociale.
« Considérant que la récente loi sur le Patrimoine constituait un point de départ et non un point d’arrivée, il faut maintenant impulser une véritable politique du patrimoine » explique Philippe Toussaint, président des Vieilles Maisons Française (VMF).
Voici, résumées, ces 22 mesures proposées :
- « Harmoniser les outils de protection du patrimoine et de l’environnement. » Ainsi, en Italie les patrimoines culturels et naturels font l’objet d’une approche globale.
- « Intégrer le respect du patrimoine bâti et paysager dans la mise en œuvre du développement durable. » Relevant de différentes administrations, l’écologie et le patrimoine se retrouvent régulièrement en opposition, aux dépens du patrimoine, comme avec les éoliennes.
- « Mener avec les collectivités compétentes… et l’État… un inventaire systématique du patrimoine… et créer une labellisation de ce patrimoine non protégé… en le portant à connaissance de tout document d’urbanisme… » A titre d’exemple, pour 44 000 Monuments Historiques et 800 Sites Patrimoniaux Remarquables en France, en Allemagne ce sont 1 300 000 bâtiments qui sont inventoriés et protégés, avec des aides financières et fiscales. En Angleterre, aux 20 000 « scheduled monuments » s’ajoutent 400 000 « listed buildings » et 10 000 « conservation areas ».
- « Créer une délégation interministérielle aux patrimoines et aux sites. »
- « Clarifier le rôle des collectivités territoriales… » Avec le millefeuille actuel, plus personne ne sait qui fait et finance quoi ni quelles règles s’appliquent.
- « Sanctuariser une dotation affectée aux communes et destinée à la préservation et à l’entretien de leur patrimoine public municipal. »
- « Créer les conditions d’une véritable participation des associations au débat public… Elargir les moyens et les compétences de la
société civile… Réformer l’enquête publique… »
- « Développer la Fondation du patrimoine pour la sauvegarde du patrimoine non protégé en la dotant de moyens d’action… »
- « Consolider dans les programmes éducatifs… l’enseignement systématique de l’histoire et de l’histoire de l’art… Accueillir un représentant du monde associatif dans la commission des programmes. »
- « Mettre en place une offre de formation renouvelée visant à générer les compétences demandées par le monde du patrimoine, qui constitue un gisement d’emplois non pourvus. » Six pistes sont développées dans l’ouvrage. Aujourd’hui, même les architectes n’ont quasiment pas de formation sur le patrimoine.
- « Mettre en œuvre la numérisation systématique des données publiques et privées sur le patrimoine… Créer un portail pour en organiser la diffusion… Inciter les pédagogues à utiliser ces outils… »
- « Rétablir et stabiliser les crédits d’état en faveur du patrimoine … Sanctuariser le dispositif des contreparties fiscales aux servitudes de protection. » Environ 328 millions (400 en 2011) sont affectés par l’Etat au patrimoine monumental, là où 400 sont reconnus comme un minimum indispensable. Une partie du financement de l’entretien du patrimoine passe par des « dépenses fiscales », de l’ordre de 30 millions pour la loi Malraux (fortement amputée en 2009) et 60 millions pour les Monuments Historiques. Pourtant, en 2007 une étude du ministère de la Culture faisait ressortir que les retombées économiques liées au patrimoine au sens large étaient de 21 milliards d’euros, pour un investissement public de 2 milliards, et représentent plus de 500 000 emplois directs et indirects.
- « Rétablir et stabiliser les moyens de la Fondation du patrimoine. »
- « Affecter les recettes d’un tirage de la loterie nationale à la sauvegarde et à la mise en valeur du patrimoine. »
- « Favoriser les incitations budgétaires et fiscales à la création volontaire de servitudes, à la restauration et à la protection… du patrimoine mobilier… »
- « Favoriser la renaissance des centres anciens… Renforcer, adapter et stabiliser le dispositif Malraux… »
« Encadrer et favoriser la transformation et la réaffectation des édifices « sans emploi » dans le respect de leur valeur historique… » Viollet-le-Duc écrivait déjà « Restaurer un édifice n’est pas seulement l’entretenir, le réparer ou le repeindre… Le meilleur moyen de le préserver, c’est de lui trouver un emploi ». Or, de nombreux édifices porteurs d’histoire sont appelés à tomber en ruine, à défaut de trouver une nouvelle fonction.
- « Favoriser la reprise et la valorisation de biens patrimoniaux en mettant en place des accords-cadres de financement… »
- « Encourager la formation des professionnels du tourisme et favoriser la mise en œuvre d’offres globales… » Une stratégie touristique fondée sur la diversité de la richesse patrimoniale reste à inventer. Si la France est la première destination touristique mondiale en termes de fréquentation, cette dernière reste excessivement concentrée, donc fragile et sous-utilisée, et les recettes sont à l’avenant.
- « Accompagner la transmission des savoir-faire en encadrant la reprise des entreprises individuelles par des repreneurs formés en alternance. » Le secteur des métiers d’art rassemble 38 000 entreprises, pour 54 000 il y a 20 ans.
- « Encourager la formation professionnelle… Encourager les entreprises à co-traiter et à rechercher des mutualisations de moyens, d’économies d’échelle, pour prospecter. »
- « Améliorer les cadres juridiques et financiers de l’insertion par le travail sur les chantiers du patrimoine. Favoriser les partenariats entre les associations spécialisées et les collectivités territoriales. »
Espérons que le tout nouveau gouvernement (dont on peut déjà noter que le ministre de l’Écologie est propulsé N°3 du gouvernement, la ministre de la Culture est notamment titulaire d’un diplôme d’urbaniste et avait déjà effectué un bref passage à ce ministère, à la direction de l’architecture, tandis que le ministère du Logement disparait au profit d’un ministère de la Cohésion des territoires et qu’il n’y a plus de ministre du Tourisme) et la future Assemblée seront attentifs à ces propositions, bienvenues après des années de relâchement en matière de politique du patrimoine.
Le détail de ces 22 propositions se trouve dans la « Lettre ouverte aux Français et à leurs Élus sur le Patrimoine », disponible sur les sites de ces onze associations :
L’Association Nationale des Villes et Pays d’Art et d’Histoire et des Villes à Secteurs Sauvegardés et Protégés
- Ateliers d’art de France
- La Demeure Historique
- La Fédération Française des Sociétés d’Amis de Musées
- La Fondation du patrimoine
- Maisons Paysannes de France
- Patrimoine-Environnement
- La Sauvegarde de l’Art Français
- Sites & Monuments
- L’Union REMPART
- Vieilles Maisons Françaises
Hugues de Tappie
Directeur de la rédaction
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